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4 février
2007
Jean-Paul
Baquiast et Christophe Jacquemin
La crise climatique...
mobilisation générale ?
Nous ne cessons depuis de longs mois de faire écho aux communications
des chercheurs en sciences du climat relatives à l'imminence
d'une crise climatique et environnementale de grande ampleur. Nous
n'avons également cessé de relayer les protestations
de ceux qui s'indignaient de voir certains gouvernements, en premier
lieu celui de G.W. Bush, mais aussi ceux du Canada et de l'Australie,
s'acharner à nier le phénomène.
Ce
faisant nous avons comme beaucoup, non pas par conformisme mais
parce que cela correspondait à notre propre pensée,
insisté sur le fait que les sceptiques à l'égard
du réchauffement global proviennent essentiellement des milieux
industriels et économiques tirant leur puissance de l'exploitation
des carburants fossiles (pétrole, gaz et charbon) ainsi que
des activités dérivées, notamment le transport
routier et l'automobile. Il n'est pas besoin d'être diplômé
en sciences politiques pour en tirer la conclusion qu'au-delà
de ces industries et des gouvernements qui les appuient, si la crise
devenait véritablement la menace du siècle, ce serait
le système global du capitalisme libéral qui serait
responsable de cette même crise et qu'il faudrait remplacer.
Comment demander à des intérêts financiers dont
le seul moteur est la recherche d'un profit maximum de renoncer
à des bénéfices immédiats ou de consentir
à des investissements non rentables à court terme,
au prétexte que le salut des écosystèmes en
dépend. Seules des mesures de régulation prises par
des autorités politiques indépendantes des intérêts
économiques et parlant si possible au nom de l'intérêt
général de l'humanité pourraient édicter
et faire respecter des clauses de sauvegarde, entraînant de
nombreux sacrifices.
Malheureusement,
et jusqu'à présent, ceux qui tenaient ce discours
étaient rangés parmi les défenseurs d'un dirigisme
attardé ou d'un altermondialisme irresponsable. La pensée
unique, souvent dénoncée mais jamais remise en cause,
du moins en Occident, affirmait que le seul régime capable
d'assurer le développement du monde global était le
capitalisme libéral prenant la forme du libre-échange
en matière de commerce international. Ses défauts
se résoudraient d'eux-mêmes grâce à la
main invisible de l'initiative privée qui le régulait
de l'intérieur.
Il
est vrai qu'il paraissait difficile de faire coexister deux systèmes
économiques différents, l'un reposant sur l'initiative
privée et le libéralisme, l'autre sur des mesures
administratives mises en œuvre par des services publics ou
par des entreprises sous contrat de service public. Cette solution
avait été pratiquée en France et dans certains
pays européens après la guerre. Elle s'appelait l'économie
mixte. On lui doit d'ailleurs les principaux succès des Trente
Glorieuses. Mais l'expérience a été gommée
sous l'influence de la pensée économique américaine,
elle-même au service d'une diplomatie visant à faire
disparaître toutes les puissances étatiques susceptibles
de s'opposer à la domination non seulement des entreprises
américaines mais du pouvoir de l'Etat fédéral
américain dont il faut d'ailleurs rappeler qu'il n'est en
rien libéral(1).
Une
rafale d’événements convergents
Mais,
au lendemain de la conférence internationale de Paris (3-4
février) pour une « gouvernance écologique
mondiale », présidée avec des mots
très forts par le président français Jacques
Chirac(2)
; deux jours après la conclusion des travaux (1er-2 février)
du comité d’experts internationaux du GIEC/IPCC montrant
que les pronostics les plus pessimistes concernant la crise climatique
étaient confirmés par les scientifiques(3)
; quelque jours après le Forum de Davos (24-26 janvier) où
la prévention de cette même crise a fait l’objet
de la préoccupation des grands décideurs économiques
; quelques semaines enfin après la remise par Nicholas Stern
du rapport qui fera date évaluant les coûts considérables
que représenterait l’inaction face à la crise
et proposant de nombreuses mesures politiques qui n’ont rien
de libéral, nous pouvons ici, à la date du 5 février
2007, constater avec un début d’espoir qu'une prise
de conscience concernant la réalité de la crise climatique
commence à se faire. Mieux, il devient clair pour beaucoup
qu’il faut désormais envisager de véritables
mesures révolutionnaires, selon le terme de Jacques Chirac,
pour lutter contre la crise. La révolution restera-t-elle
dans le discours ou se traduira-t-elle en décisions?
A
cet égard, plusieurs autres constatations lourdes de sens
s’imposent. D’abord, dans cette prise de conscience
mondiale, la Grande Bretagne et la France jouent de façon
différente mais convergente, un rôle pilote. Derrière
ces deux pays (membres de l’Union européenne, rappelons-le)
l’ensemble de l’Union, à l’initiative de
la Commission et du parlement européen, se mobilise sans
tergiverser. Pour une fois, les 27 membres semblent convaincus de
la nécessité d’agir ensemble et vite. Pourvu
que le consensus se maintienne quand il s’agira de prendre
des mesures qui feront entraîneront nécessairement
beaucoup de sacrifices!
Une
seconde constatation concerne la persistance de l’administration
fédérale américaine à nier la crise
et à refuser toutes mesures susceptibles d’obliger
la nation la plus productrice de gaz à effet de serre (GES)
du monde à changer son mode de vie. Le mode de vie américain
n’est pas négociable, avait déjà affirmé
avec un unilatéralisme insupportable, mais qui ne s’est
pas démenti depuis, un précédent président.
Mais une évolution surprenante se dessine cependant. Un certains
nombre d’Etats fédérés américains
commencent à vouloir négocier avec l’Union européenne
le partage de divers mécanismes destinés à
lutter contre les émissions de GES, notamment la bourse d’échange
des droits à produire du carbone (carbon trading scheme)
découlant du protocole de Kyoto. Ceci pourrait être
le début d’une crise constitutionnelle majeure aux
Etats-Unis. Le pouvoir fédéral y reculerait devant
celui des Etats. L’hostilité que suscite dans nombre
de ceux-ci l’entêtement du G.W.Bush, non seulement à
nier la crise climatique, mais à poursuivre sa longue guerre
contre le terrorisme ne fera qu’augmenter la probabilité
d’une telle crise.
Une
troisième constatation nous paraît s’imposer.
Il s’agit du fait qu’en Amérique, qui s’est
toujours prétendue (en dehors des questions intéressant
le Militaro
Industrial Congressional Complex) le parangon du
libéralisme (free-trade), de plus en plus de chefs
d’entreprises commencent à considérer qu’un
retour au patriotisme économique (prôné il fut
un temps par la France et repris aujourd’hui – timidement
– par les candidats aux présidentielles françaises)
correspond dorénavant à une nécessité.
On ne parle pas encore aux Etats-Unis de protectionnisme ou de patriotisme
économique, mais de fair-trade. Le mot signifie
en fait que les échanges doivent être négociés,
sous les auspices d’une autorité gouvernementale, sur
la base de la réciprocité. Le programme de retour
au fair-trade a déjà un nom, il s’agit du projet
Horizon, Horizon Project (voir le tout récent site ouvert
sous ce nom http://www.horizonproject.us/.
Certes, le fair trade recommandé n’est pas
lié, en principe, à la réciprocité des
efforts que feront les pays dans la lutte contre la crise climatique,
mais il trouvera rapidement l'occasion de s'y appliquer.
Pour
notre part, tout ceci nous confirme qu·il convient en France
- et en tous cas dans cette revue - de prendre un peu d’avance
sur les esprits et de commencer à étudier comment
pourraient s’organiser les efforts visant à réguler
les économies afin de limiter au maximum les effets de la
crise climatique et environnementale. Qui réglementera, en
faveur de qui et de quoi ? Ces questions ne sont pas tranchées,
ni même posées. Mais il semble que peu à peu
émerge le concept d'une économie mixte (privée-publique)
mondiale, dirigée par des intérêts multiples
(multipolaires) associés pour la survie de nos civilisations.
Ce serait donc bien le glas du capitalisme libéral qui commencerait
à sonner. Ce serait aussi celui de l'influence unilatérale
de la super-puissance américaine, jusque là associée
à ce même capitalisme libéral et désormais
embourbée dans ses impasses multiples. Enfin, pour l'Europe,
si elle s'inscrivait résolument - comme elle semble vouloir
le faire - dans la lutte contre le réchauffement global et
la protection de l'environnement, ce serait une opportunité
considérable de se faire entendre face non seulement aux
Etats-Unis mais aussi face aux puissances émergentes telles
la Chine et l'Inde, qui ne peuvent construire leur croissance en
négligeant ces questions.
Selon
nous, deux questions mériteraient d'être approfondies
sans attendre :
quelles
seraient les mesures réglementaires publiques, nationales,
européennes ou internationales susceptibles de mieux
lutter contre la crise tout en sauvegardant le développement
mondial là où il peut se faire sans compromettre
l'environnement ?
comment
les scientifiques, autres que les seuls climatologues, pourraient
participer au rôle de mise en alerte et d'expertise en
l'étendant bien au-delà des questions actuellement
traitées dans les instances internationales ?
On se repportera sur le site à nos nouveaux articles "La
grande Crise et le retour aux économies mixtes : 1)
La Crise ;- 2)
Les économies mixtes ; 3)
Les devoirs des scientifiques", qui viennent enrichir
ceux déjà publiés sur ces thèmes. Nous
espérons les développer au fil du temps, compte-tenu
des réactions que nos lecteurs nous feront parvenir.
Notes
(1)
Il s'agit d'une intrication, peu visible de l'extérieur,
entre pouvoirs politiques, militaires et industriels, dénoncée
par le politologue américain Robert Higgs sous le nom de
"Militaro Industrial Congressional Complex".
(2)AFP.
Le Monde: Une quarantaine de pays, dont la France, l'Allemagne
et la Grande-Bretagne, ont lancé samedi 3 février
un appel en faveur d'une "vaste mobilisation internationale
contre la crise écologique et pour une croissance respectueuse
de l'environnement". "Nous nous engageons à mettre
au centre de nos décisions et de nos choix, chacun dans notre
domaine, la préoccupation de l'environnement", affirme
cet appel, qui a été lu samedi par Jacques Chirac
à l'issue de la Conférence de Paris pour une gouvernance
écologique mondiale.
Cet "Appel de Paris" préconise la création
d'une Organisation des Nations unies pour l'environnement et prône
l'adoption d'une Déclaration universelle des droits et des
devoirs environnementaux. "Nous appelons à transformer
le Programme des Nations Unies pour l'environnement en une véritable
Organisation internationale à composante universelle à
l'image de l'Organisation mondiale de la santé", a-t-il
ajouté.
Un "groupe pionnier" de "plus de quarante pays"
a été constitué pour promouvoir ce projet,
qui est contesté notamment par les Etats-Unis et les grands
pays émergents. "Nous tous ici présents, Citoyens
de la Terre, nous appuyons les efforts des Nations qui se mobilisent,
dans un esprit de souveraineté partagée, pour renforcer
la gouvernance internationale de l'environnement", a dit le
président.
Cet appel intervient au lendemain de la publication du rapport des
experts du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution
du climat (GIEC), qui ont lancé un avertissement sans précédent
sur l'ampleur du changement climatique en insistant sur la responsabilité
humaine dans le réchauffement de la planète.
L'ONU dispose pour l'instant du Programme des Nations unies pour
l'environnement (PNUE), créé en 1972 et dont le siège
se trouve à Nairobi. Cette nouvelle organisation devrait
être "à l'image de l'Organisation mondiale de
la santé" (OMS) pour avoir "une voix forte et reconnue
dans le monde".
Elle devra "évaluer les dommages écologiques",
"promouvoir les technologies et les comportements les plus
respectueux des écosystèmes" et soutenir "la
mise en oeuvre des décisions environnementales". Le
Maroc accueillera "la première réunion du groupe
pionnier des " amis de l'Organisation des Nations Unies pour
l'environnement " qui rassemble déjà plus de
40 pays", indique la déclaration.
Les quelque 200 participants à la conférence - ministres,
chefs d'entreprise, représentants associatifs, scientifiques
- ont affirmé, dans cette déclaration, que, "aujourd'hui,
le temps est venu de la lucidité" et qu'il fallait "reconnaître
que nous sommes parvenus au seuil de l'irréversible, de l'irréparable".
(3)
Voir la version intermédiaire du rapport du GEIC, publiée
le 2 février: http://www.ipcc.ch/SPM2feb07.pdf
et sa présentation
audio.